lundi 16 mai 2011

Amendement à la Constitution : article 94.6, une aberration mathématique.

L'un des amendements à la Constitution haïtienne se lit comme suit :

"Il est ajouté un article 94.6 qui se lit comme suit :
Le candidat au Sénat en troisième position au premier tour n’ayant pas obtenu la majorité absolue est déclaré vainqueur dans le cas où son avance par rapport au candidat placé en quatrième position est égale ou supérieure à vingt-cinq pour cent (25%)".

Mathématiquement, il s'agit d'une abbération. C'est non seulement la précipitation mais aussi la volonté d'éviter la participation du plus grand nombre possible qui a conduit à des proposition absurdes comme celle-là; il y en a d'autres.

Absurde en effet. Depuis les élections de 2006, et à chaque élection, j'ai effectué des contacts au CEP pour lui faire part d'une réflexion mathématique au sujet du concept de "majorité absolue". Cette réflexion était importante quand plus d'un poste était à pourvoir pour une même circonscription. Malheureusement, la rigueur n'est pas de mise depuis que nos Conseils Provisoires auraient dû être Permanents !

Absurde d'abord parce que l'amendement parle seulement du candidat en 3e position. Dans la lettre donc, aucun cas n'est fait des deux premiers. Mais ce qui est plus grave, c'est qu'au vu de la DÉMONSTRATION MATHÉMATIQUE que j'ai faite, "l'avance" de 25% n'a aucun sens.

En effet, lorsqu'il y a 3 postes à pourvoir, la "majorité absolue" devrait être considérée atteinte à 25% des votes exprimés +1.


Cliquez sur ce lien pour voir la démonstration sur le concept de "Majorité absolue".

dimanche 8 mai 2011

La chance qui passe


Ce document est le résultat d'une numérisation de : « La chance qui passe ». Le texte n'est pas signé mais il est de notoriété qu'il a été produit par Georges Anglade pour l'« Opération Lavalas » à la veille des élections générales haïtiennes de décembre 1990.

Après cinq ans d'une transition difficile depuis la chute de la dictature duvaliériste, le peuple haïtien se préparait à se rendre aux urnes. Des groupes politiques inscrits pour participer aux élections, le Front National pour le Changement et la Démocratie (FNCD) avait la faveur de la majorité. Il était appuyé par un mouvement qui se développait dès 1986 sous la dénomination LAVALAS. Jean Dominique eut plus tard à qualifier ce mouvement de « nébuleuse », tant il n'avait pas de direction. Le FNCD tout comme LAVALAS avaient en mémoire le massacre perpétré par des paramilitaires néo-duvaliéristes lors des élections ratées du 29 novembre 1987, ils faisaient face aussi à une opposition violente de l'extrême droite et des duvaliéristes. Le mouvement adopta une stratégie pour d'un côté s'attirer la faveur des masses et de l'autre celle de l'intelligentsia.
 
Pour s'attirer la faveur populaire, le FNCD éjecta Victor Benoit comme candidat à la présidence en le remplaçant par le prêtre Jean-Bertrand Aristide.
 
Pour l'intelligentsia, le mouvement réputé sans programme fit appel à George Anglade pour lui doter d'un manifeste. Ce fut fait avec brio. Il ne s'agit pas d'un texte accessible au grand public mais tel n'était pas le but. « La chance qui passe », manifeste politique, devait être la fondation d'un programme politique opérationnel détaillé ayant pour titre « La chance à prendre ».
 
La sortie du texte, lors d'une conférence de presse en novembre 1990 à l'hôtel Montana eut un impact considérable. Aucune autre formation politique ne pouvait présenter une vision de la société aussi bien campée, aussi pointue théoriquement et, à la fois, aussi proche des revendications populaires : La jonction du politique et du scientifique. Une grande partie des élites intellectuelles et de la classe moyenne s'identifièrent au mouvement, le manifeste y a été pour quelque chose : c'était le signal que la matière grise était la bienvenue puisqu'il n'y a rien de plus pratique qu'une bonne théorie !
 
Malheureusement, « La chance qui passe », dans son contenu, a été vite mis de côté par la faction populiste du mouvement. Même « La chance à prendre » (d'ailleurs jamais présentée comme telle) n'a été qu'un amalgame incohérent de programmes sectoriels sans direction politique.
 
Malheureusement aussi, « La chance qui passe », est, à peu de choses près, d'une étonnante actualité. Par exemple, combien de nos planificateurs et de nos spécialistes de l'espace géographique ont pris en compte dans leurs travaux le concept de bourgs-jardins ?

samedi 2 avril 2011

Hors des élections truquées, où sont les architectes du pays à construire ?

En 1990, les résultats des élections avec près de 100% de participation des citoyens en âge de voter ont été livrés en 7 jours. Des résultats incontestables pour les seules élections libres honnêtes et transparentes jamais tenues en Haïti.

Pourquoi?
Parce que tout le système avait été conçu pour que le peuple vote et que son vote soit respecté dans son intégralité.

30 ans plus tard, avec un taux de participation de l'ordre de 30%, avec des moyens technologiques incomparables quand on pense au téléphone cellulaire et à l'internet accessibles pratiquement partout, et avec une disponibilité en ressources humaines largement supérieure dans les coins les plus reculés du pays, le CEP n'a jamais publié le résultat du vote populaire (après 3 mois) !

Les gagnants au premier tour et les candidats à aller au second tour ont été désignés par le CEP sans que personne ne sache combien de votants ont déposé un bulletin dans l'urne en leur faveur. Véritable scandale entériné par les candidats agréés et par d'autres, par nombre d'institutions de la société civile et par les « amis » d'Haïti...

Pourquoi?
Parce que tout le système a été conçu pour amenuiser la légitimité de pouvoirs politiques réellement élus par le peuple. Il faut que les élus aient « leur anneau chez l'orfèvre .» La soif de pouvoir des candidats les conduisent à dénoncer le processus quand il est en leur défaveur, et à l'accepter quand ils en sortent gagnants.

Tout est plus compliqué qu'il ne faut (donc plus sujet à l'« erreur » et à l'exclusion d'une forte proportion des citoyens privés de voter), plus cher (donc plus intéressant pour les magouilleurs), plus centralisé (donc moins contrôlable par les votants).

Résultat : la souveraineté populaire n'est pas exercée par le moyen des urnes. Ceux, ô combien contrôlables, qui font vibrer le béton prennent alors la parole, sans que l'on sache s'il y a une majorité silencieuse dont la seule arme est le bulletin de vote. Voilà la situation idéale qu'il faut aux manipulateurs de tout acabit motivés par des fin les plus inavouables !



Entre temps, où sont les architectes de ce pays à construire ?

dimanche 27 mars 2011

Le concept de "majorité absolue"

En attendant les résultats des élections, une petite distraction mathématique.

Dans le Département du Centre, il y a 2 sénateurs à élire en même temps. C'est une situation qui devrait être exceptionnelle au vu de la Constitution haïtienne. Mais les institutions du pays respectent la Constitution seulement quand ça les arrange. Ce cas de figure où il y a plus qu'un poste à pourvoir pose un problème conceptuel mathématique. Quel nombre, en effet représente dans ce cas la "majorité absolue?" Certainement pas 50% +1. C'est indiscutable, vous le verrez !

Une bonne compréhension du concept de "majorité absolue" peut éviter des dépenses électorales inutiles pour le Conseil électoral et pour les candidats. J'espère que la prochaine fois que le problème se posera, le CEP, les partis politiques et, éventuellement, les candidats indépendants utiliserons cette réflexion, question de ne pas jeter l'argent par la fenêtre.

Problème: Quel devrait être le % à obtenir par un candidat au sénat pour être élu au premier tour quand il y a plus qu'un poste à pourvoir (comme ça a été le cas pour le département du Centre en novembre 2010)?

Réponse: Majorité Sénat

lundi 21 mars 2011

Le mouvement Lavalas : planche de salut d'Haïti

Haïti 7 février 1986. Le pays se réveille de trois décennies de dictature duvaliériste. Plusieurs partis politiques d'opposition ont contribué au renversement du régime. Aucun, cependant, ne peut prétendre au leadership du mouvement populaire qui a abouti à cet exploit.

Dans cette ambiance, les partis politiques, parfois fortement affaiblis par la dictature, tentent de se relever. L'enjeu politique est nettement différent de l'époque des Duvalier : il ne s'agit plus de renverser une dictature mais de construire une démocratie ; quelle démocratie ? Les partis politiques sont dépassés.

Certes, 26 mai 1979, une réflexion importante allait être livrée : « Les Impératifs de la Conjoncture » produite suite à une conférence animée par un prestigieux groupe d'intellectuels haïtiens (on en retrouvera certains au CONACOM) ; texte fondateur du RDNP. On peut y déceler un balbutiement conceptuel d'importantes revendications essentielles du mouvement qui prend corps en 1986, telle la prise en compte des acquis spécifiquement haïtiens, culturels, politiques, économiques. N'était-ce le manque d'ouverture du RDNP, ce parti aurait pu porter le mouvement qui allait devenir Lavalas.

Une tentative de regroupement excluant les partis politiques a lieu : le CONACOM (Comité National du Congrès des Mouvements Démocratiques). La logique du CONACOM d'alors est que les partis politiques ne répondant pas aux désidérata du peuple, il faut un mouvement non partisan pour y remédier. Logique démagogique s'il en est puisque dès le début, il n'y a d'autre voie que de transformer le Congrès en parti politique. Ses dirigeants le savent.

Mais, pas plus que les partis politiques, le CONACOM n'arrive à conceptualiser les revendications populaires donc ne peut réellement proposer une opérationalisation de ces revendications et réaliser ce que Georges Anglade appelait la jonction du politique et du scientifique..

C'est ainsi que se dessine dans l'ambiance diffuse de 1986 une mouvance politique sans tête, sans leader et qui comme seule formalisation adopte le vocable « Lavalas ». Le terme porte parfaitement l'idéal du mouvement : L'avalasse, c'est l'eau qui descend à torrents après une forte averse et qui lave, qui nettoie tout sur son passage.

« Lavalas » symbolise non seulement ce nettoyage, ce changement nécessaire dans la société corrompue héritée de la colonisation et revivifiée malicieusement par la dictature duvaliériste mais aussi et surtout un nouveau contrat social tout aussi nécessaire, contrat qui implique la mise au rebut de la pourriture qui gangrène la société dans tous ses recoins, le tout avec participation privilégiée de cette masse qui elle-même constitue le torrent qui fait place nette en apportant l'eau, source de vie nouvelle.

Lavalas n'est donc pas, n'en déplaise à Jean Bertrand Aristide, l'avalanche. L'avalanche détruit tout sur son passage et n'apporte rien de constructif. Ce n'est pas les déchets qui s'étalent partout. Lavalas, étymologiquement vient du français « avalasse » mais un mot voisin et synonyme porte peut-être mieux l'idée, c'est « la lavasse » qui vient de « laver ». Dans mon jeune âge, après une averse, tout était beau, l'air agréable à respirer, les rues « nickel ». Voilà ce qu'était le résultat de l'avalasse. Voilà le sens de Lavalas.

En 1987, après l'hécatombe électorale, Lavalas n'est toujours pas formalisée. Pour les élections de 1990, toujours aucun parti politique ne prend en charge ce qui devient un mouvement pas très clair et toujours sans leadership ; c'est sous le chapeau du FNCD que se rassemblent ses adeptes. Il est clair que dans ces élections, le FNCD est transporté par le mouvement Lavalas. A la recherche d'une figure emblématique, le FNCD trouve Jean-Bertrand Aristide pour lequel Victor Benoît est expulsé du poste de candidat à la présidence de la République.

Sans programme à l'aube des élections de 1990, Lavalas et le FNCD adoptent le texte écrit par Georges Anglade pour la circonstance : « La chance qui passe. » Ce texte, est le premier à rassembler l'ensemble des revendications du mouvement dans un cadre conceptuel solide et articulé. Ce texte qui aurait dû constituer le ciment des réflexions sectorielles produites après les élections sous le titre de « La chance à prendre ». Malheureusement, « La chance à prendre » se présente comme un lot de documents hétéroclites produits par des technocrates sans direction politique.

De même, les personnalités politiques, y compris le leader désigné, Jean-Bertrand Aristide, méprisent « La chance qui passe », et du même coup les fondements du mouvement Lavalas scellés dans le document.

C'est pendant le coup d'État qu'une nouvelle fois les esprits se ressaisissent : un groupe de militants, pour plusieurs, anciens du Parti Unifié des Communistes Haïtiens (PUCH) forment l'« Organisation Politique Lavalas (OPL). » Le mouvement Lavalas semble alors se doter non seulement d'un nouveau texte de base « Pour convertir nos revers en victoires » mais d'une organisation politique formelle.

Entre temps, Aristide avec ses proches s'accapare du mouvement et entre ouvertement en conflit avec l'OPL dont les initiateurs n'avaient d'ailleurs épousé Lavalas que par intérêt. On se retrouve alors avec :
  • un leader charismatique aux visées populistes loin de l'idéal Lavalas et qui plus est, se construit un pouvoir personnel hors de toute organisation démocratique,
  • un parti politique démocratique dont les leaders, pour beaucoup, ne partagent pas ou ne comprennent pas l'idéal Lavalas.
Il résulte de l'opportunisme de l'OPL un changement de nom pour « Organisation du Peuple en Lutte » qui, après s'être baptisé Lavalas, fustige ce mouvement comme quelque chose de sale !

Aristide, pour sa part, consolide son pouvoir personnel et crée un parti politique : « Fanmi Lavalas » dont il est statutairement le dirigeant (Représentant National) à vie. Son « Livre blanc » n'est encore une fois qu'amalgame technocratique. Oh combien on est loin de l'idéal Lavalas !

En 2011, le mouvement Lavalas se retrouve sans organisation et sans leader. Les idées ne meurent pas : l'idéal est là. La tâche est ardue pour établir les trois piliers nécessaires à l'atteinte des objectifs :
  • l'organisation formelle,
  • le leadership politique et
  • la force conceptuelle.
La moisson est abondante...

jeudi 17 mars 2011

Sondage BRIDES : Attendons les résultats !

Pour le du premier tour des élections haïtiennes (en novembre), j'avais déjà mis en doute les résultats des sondages du BRIDES.

Encore maintenant, le sondage du même institut mérite d'être considéré avec beaucoup de réserves étant donné la mauvaise qualité qui caractérise les études du BRIDES. Je vous suggère de lire le texte produit pour le premier tour : "Sondages oui, mais quels sondages?".

Cela dit, traditionnellement, le BRIDES a négligé certains quartiers populaires de type Cité Soleil. C'est l'une des raisons pour lesquelles en 2006, le BRIDES prétendait que les intentions de votes pour Préval étaient de 37% donc largement sous-estimées. De même, lors des sénatoriales de 2009, les intentions de votes pour Marie Denise CLAUDE étaient largement sur-estimées.

A quoi s'attendre donc pour les présidentielles de dimanche prochain en examinant le dernier sondage du BRIDES qui donne 53% à Michel Martelly et 47% à Myrlande Manigat, soit un eccart de 6%?

1- Avec un échantillon REPRÉSENTATIF de 5000 électeurs et un sondage effectué selon les règles de l'art, la marge d'erreur admise (19 fois sur 20) avoisine (pour chacun des candidat) 1.5%. Donc, dans un BON sondage de 5000 électeurs, il faut 3% d'eccart pour dire que, statistiquement, un candidat dépasse l'autre. Or, les sondages du BRIDES par le passé ont connu en moyenne des erreurs représentant 3 fois les erreurs admises. En conséquence, on peut se risquer à conclure que pour dire qu'un candidat a plus de voix que l'autre il faille 9% d'éccart. CE N'EST PAS LE CAS.

2- Si encore une fois les votes des quartiers populaire de type Cité Soleil ont encore une fois été négligés par le BRIDES, on peut s'attendre à ce que Manigat devance Martelly.

Attendons le vote mais si je devais parier, je prendrais sans hésiter ma chance avec Manigat.

Jean-François Tardieu

lundi 13 décembre 2010

Aménagement du territoire et décentralisation

Depuis 1987, les forces conservatrices s'opposent subtilement mais farouchement aux dispositions constitutionnelles en matière de décentralisation. L'argument le plus souvent mis de l'avant est que la Constitution est inapplicable à cause des ressources qu'il faudrait disposer pour réaliser ses vœux. Ces arguments sont renforcés par les lois d'application de 2006 qui au lieu rendre applicables les dispositions constitutionnelles, les compliquent avec la création d'instances civiles non prévues par la Constitution et qui de surcroît viennent affaiblir les instances élues sous le prétexte d'implication citoyenne. Implication citoyenne par intermédiaire, en réalité, d'ONG et d'institutions internationales ! L'État ne peut remplir son rôle faute de ressources ? Suppléons donc sa faiblesse en offrant des ressources (y compris les ressources de l'État lui-même) aux organisations «bénévoles». D'un autre côté, la tendance semble être de dire que puisque les communes ne peuvent remplir leur mission, que l'État central y supplée quand les ONG n'y arrivent pas.

Liberté, égalité, fraternité sont le leitmotiv de la Constitution, y compris dans le chapitre sur la décentralisation. Les dispositions constitutionnelles en la matière sont applicables pourvu qu'on les regarde avec réalisme, honnêteté et courage.

LIRE LE DOCUMENT SUR L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET LA DÉCENTRALISATION