lundi 13 décembre 2010

Aménagement du territoire et décentralisation

Depuis 1987, les forces conservatrices s'opposent subtilement mais farouchement aux dispositions constitutionnelles en matière de décentralisation. L'argument le plus souvent mis de l'avant est que la Constitution est inapplicable à cause des ressources qu'il faudrait disposer pour réaliser ses vœux. Ces arguments sont renforcés par les lois d'application de 2006 qui au lieu rendre applicables les dispositions constitutionnelles, les compliquent avec la création d'instances civiles non prévues par la Constitution et qui de surcroît viennent affaiblir les instances élues sous le prétexte d'implication citoyenne. Implication citoyenne par intermédiaire, en réalité, d'ONG et d'institutions internationales ! L'État ne peut remplir son rôle faute de ressources ? Suppléons donc sa faiblesse en offrant des ressources (y compris les ressources de l'État lui-même) aux organisations «bénévoles». D'un autre côté, la tendance semble être de dire que puisque les communes ne peuvent remplir leur mission, que l'État central y supplée quand les ONG n'y arrivent pas.

Liberté, égalité, fraternité sont le leitmotiv de la Constitution, y compris dans le chapitre sur la décentralisation. Les dispositions constitutionnelles en la matière sont applicables pourvu qu'on les regarde avec réalisme, honnêteté et courage.

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vendredi 10 décembre 2010

Bienvenue

" La voie qui nous est et nous sera tracée comme « naturelle » est celle de la croissance capitaliste par centralisation: métropole de 3 millions de personnes en l'an 2000, zones-franches, entreprises aux sièges sociaux concentrées au « bord-de-mer », grandes plantations et grandes propriétés reconstituées, tourisme... bref, une « république de Port-au-Prince » devenant de plus en plus forte économiquement et politiquement, et des « périphéries » rurales et urbaines de plus en plus faibles, stagnantes, migrantes, avec leurs cortèges amplifiés de prostitution, de reprise en main d'une croissance à la remorque du capitalisme dominant qui nous donnerait dans 25 ans le profil et la fiche signalétique d'une moyenne caraïbéenne d’il y a 25 ans! Inquiétante perspective que ce chemin du développemen­tisme technocratique qui nous fixe pour ultime ambition au passage à l'autre siècle, un demi-siècle de «retard» dans le con­texte de nos équivalents caraïbéens."
(Georges Anglade : Espace et Liberté -1982-).

Le défi soulevé par Anglade il y a trente ans demeure, sauf qu'il a gagné en acuité. Oh combien !

Cette voie « naturelle » gérée par le politique est alimentée par une montagne d'études essentiellement commanditées par l'étranger. Essentiellement aussi dans le but de gérer la position attribuée à Haïti dans la division internationale du travail.

" Pour tirer profit des ressources amoindries du pays et exploiter sa main-d’œuvre, les groupes et fac­tions dominantes, nationaux et étrangers, doivent obligatoirement recourir à l'élaboration de statistiques et de recherches. À cette nécessité que commande une profonde dégradation a répondu près d'un millier, je dis bien un milliers de travaux récents dont une cinquantaine de thèses doctorales et une centaine au moins de projets de recherches académiques. On vient de loin, des États-Unis, de la France, du Québec, de l'Allemagne, d'Israël, et de pratiquent tous les organismes internationaux ONU, OEA, CEPAL, BID, UNESCO, FAO, etc., s'occuper de recherches le plus souvent commanditées, pendant que d'autres compatriotes s'approprient ressources et main-d’œuvre. L'envers et l'endroit d'une même médaille. "

Ces milliers d'études ne sont pas neutres. Elles ne vont pas non-plus au fond des choses; il ne faut pas qu'elles y aillent. Pourtant :

" Il y a une nette différence entre le discours de celui qui vit dans le bain national et le discours de celui qui vit ailleurs. Confronté avec diverses écoles de pensée, souvent contradictoires, ce dernier cherche à s'emparer d'une réalité nationale qui ne fait que lui échapper, la simple relation des faits ne pouvant lui fournir que l'image d'une formidable incohérence. Il lui reste alors à puiser ça et là les éléments en vue du bilan de ce que les thèses d'ailleurs lui ont apporté avant d'aborder la réalité nationale. "
(Philippe Rouzier : Échange et développement -1981-)

Mais le chercheur qui est imprégné du vrai bain national doit se résigner à être un marron. Anglade a eu droit, alors qu'il était en prison, à cette remarque : « Dans ce pays, pour l'Haïtien, il n'y a que les Recherches Criminelles. » Ses geôliers n'avaient pas tort. Pour le chercheur haïtien, ses ancêtres « se retrouvent à Saint-Domingue par accident, condamnés sans raison aux travaux forcés à vie sur les plantations de denrées. Quiconque leu parle d'une perle des Antilles est un ennemi de la nation. Pour eux -et leurs descendants-, Saint-Domingue est le territoire de la haine, le domaine du diable, une malédiction » (Jean Casimir : Haïti chérie -2000-). Il ne peut dès lors être question d'un retour au bon vieux temps de la « perle des Antilles .» Cette dernière vision est le propre d'un projet en continuité avec le projet colonial. Face à cette vision, le projet marron d'une société ouverte sur l'extérieur mais dans une perspective de bien-être général du peuple haïtien.

En 1986, la société haïtienne s'est engagée dans une rupture jamais consommée. À la faveur de ce mouvement, deux présidents ont été élus à deux reprises chacun, « chargés d'extirper les structures politiques pourries. Ceux-ci s'adonnent plutôt au déchoucage de leurs opposants qu'ils remplacent par des inconditionnels. Ils n'effleurent même pas le système politique. Sans tarder, ils s'y adaptent et s'en accommodent » (Jean Casimir : Haïti chérie -2000-). Depuis 1804, la Nation haïtienne est en conflit avec l'État « que les élites et partis politiques ne savent pas gérer à la satisfaction de la Nation. »

La prétention de ce blog est d'apporter une contribution théorique dans le but de permettre cette jonction entre le politique d'une part et, d'autre part, le scientifique qui est un maillon faible dans le projet National en continuité avec les esclaves révoltés qui ont donné 1804 et la société marrone qui font l'identité haïtienne.